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ÉCONOMIE ET ​​GESTION.

COMMENT LA POLITIQUE DE L’ENTREPRISE AFFECTE-T-ELLE L’INÉGALITÉ DE SALAIRE ENTRE LES PERSONNES BLANCHES ET NON BLANCHES ?

08 septembre 2023

Chercheur responsable : Bruno Benevit

Titre original : Assortiment de correspondances ou embauche d'exclusion ? L'impact des politiques d'emploi et de rémunération sur les différences salariales raciales au Brésil

Auteurs : François Gérard, Lorenzo Lagos, Edson Severnini, David Card

Lieu d'intervention : Brésil

Taille de l'échantillon : 22,62 millions de travailleurs

Secteur : Travail

Variable d'intérêt principal : Salaire

Type d'intervention : Politique ferme

Méthodologie : OLS, IV

Résumé

Dans la littérature économique, plusieurs mécanismes cherchent à expliquer l’existence de disparités de revenus. Parmi eux, la manière dont les politiques d'embauche et de fixation des salaires des entreprises impactent les inégalités salariales retient l'attention des chercheurs. En ce sens, cette étude a vérifié comment de telles politiques expliquent les différences salariales entre blancs et non-blancs au Brésil. De plus, les auteurs ont également vérifié comment les compétences observables des travailleurs expliquent la répartition observée pour les postes bien rémunérés. Les résultats indiquent que les travailleurs non blancs sont moins susceptibles de travailler dans des entreprises mieux rémunérées, de bénéficier de primes salariales inférieures et qu'un tiers de la sélection vers des postes bien rémunérés ne s'explique pas par une adéquation sélective des compétences des travailleurs.

  1. Problème de politique

La race est l'une des principales variables qui expliquent le niveau de salaire des travailleurs dans différents pays, même si l'on considère les aspects éducatifs et d'autres variables observées. Selon le cadre théorique proposé par Becker (1957), chaque travailleur est confronté à un salaire déterminé par le marché.

Récemment, plusieurs auteurs ont cherché à associer les différences spécifiques aux entreprises à l’apparition de disparités salariales. Selon les auteurs, cette dynamique pourrait s'expliquer par le pouvoir de marché des entreprises, conféré par une relation de monopsone dans l'établissement des salaires des travailleurs. Ainsi, les entreprises des secteurs où la demande de travailleurs qualifiés est plus élevée fixent des salaires plus élevés pour les attirer.

En ce sens, les inégalités salariales dépendront de deux facteurs : (i) la mesure dans laquelle les entreprises aux salaires plus élevés emploient différemment les blancs et les non-blancs – un effet de classification entre les entreprises – et (ii) l’ampleur relative des primes salariales offertes par les entreprises. une entreprise donnée à différents groupes raciaux - un effet relatif sur la fixation des salaires.

Plusieurs études présentent des preuves de la présence de favoritisme selon la race lors du processus de sélection des travailleurs, pour les minorités et les non-minorités (ÅSLUND ; HENSVIK ; SKANS, 2014 ; GIULIANO ; LEVINE ; LEONARD, 2009). De même, la littérature indique une forte sous-représentation de la population non blanche dans les postes bien rémunérés aux États-Unis et dans les pays d’Amérique latine (GERARD et al. , 2021).

  1. Contexte de mise en œuvre des politiques

Le Brésil a une histoire coloniale marquée par l'esclavage africain, avec trois groupes raciaux reconnus : les blancs, les bruns et les noirs. L'abolition de l'esclavage au Brésil a eu lieu à la fin de 1888, et la période qui a suivi a été marquée par l'absence de ségrégation légale comme cela s'est produit aux États-Unis et en Afrique du Sud (GERARD et al. , 2021).

Malgré l’absence de politiques de ségrégation raciale et un métissage racial considérable, les inégalités socio-économiques entre blancs et non-blancs ont toujours été marquées dans la société brésilienne. Les efforts de l’État brésilien pour changer ce scénario ont commencé avec la Constitution de 1988 et l’adoption de lois anti-discrimination raciale entre la fin des années 80 et le début des années 90.

Même avec l'adoption de politiques d'action positive et la mise en œuvre du Statut d'égalité raciale au début de ce siècle, mettant davantage en évidence le problème de l'inégalité raciale au Brésil, les disparités entre blancs et non-blancs dans le pays sont encore notables. plusieurs segments et comparable à celui d’autres pays d’Amérique latine.

  1. Détails de l’évaluation et de la politique

Selon les données de l'Enquête nationale par sondage auprès des ménages (PNAD), la population des travailleurs âgés de 25 à 54 ans est composée de 50 % de blancs, 42 % de métis et 8 % de noirs. Dans le Sud-Est, région la plus développée et la plus peuplée du pays, la proportion de blancs et de métis avoisine respectivement 58 % et 33 %. En termes de taux d'emploi, environ 43 % des hommes et 25 % des femmes sont employés dans le secteur privé non agricole au Brésil. Dans le Sud-Est, ce taux varie entre 47 % (blancs) et 51 % (noirs) pour les hommes et entre 23 % (bruns) et 27 % (blancs) pour les femmes. Concernant l’éducation, la différence raciale entre les hommes blancs et non blancs est d’environ 1,6 année de scolarité, et de 1,25 année de scolarité chez les femmes.

Les données du PNAD indiquent également que la différence de salaire entre les blancs et les non-blancs varie entre 27 % et 33 % si l'on considère uniquement les effets de l'état et de l'année, et entre 11 % et 13 % lorsque l'expérience et l'éducation des travailleurs sont également prises en compte. Cette différence est plus élevée dans la région du Sud-Est, ainsi qu’en considérant uniquement les travailleurs les plus instruits.

L'analyse principale de cet article a utilisé les données contenues dans la Liste annuelle d'informations sociales (RAIS), qui fournit des données longitudinales sur les caractéristiques des travailleurs formels au Brésil. Pour l'analyse principale, on a pris en compte les données sur les travailleurs du sud-est brésilien âgés de 25 à 54 ans, couvrant la période de 2002 à 2014.

 Les informations RAIS sont collectées à partir des informations annuelles soumises par les entreprises au ministère du Travail sur tous les employés qui étaient inscrits sur la liste de paie l'année précédente, y compris leurs dates d'embauche et de licenciement, les gains mensuels moyens au cours de l'année, les gains mensuels en décembre, les heures contractuelles, l'âge, le sexe, l'éducation et la race. La structure des données RAIS est similaire à celle présentée dans le PNAD.

  1. Méthode

Pour évaluer l'effet des politiques d'embauche et de fixation des salaires spécifiques à l'entreprise sur l'inégalité salariale entre les blancs et les non-blancs au Brésil, cette étude a estimé des modèles bidirectionnels des moindres carrés ordinaires (MCO) à effet fixe pour capturer l'avantage salarial de chaque entreprise. Pour cela, un exercice contrefactuel a été réalisé en supposant l’absence de discrimination raciale dans l’embauche et la définition du salaire (entre une même entreprise). La méthode suppose la plausibilité de la condition de mobilité exogène.

Le modèle de base de l'étude considère le cadre théorique proposé par Abowd, Kramarz et Margolis (1999) pour estimer le logarithme du salaire horaire des travailleurs d'un groupe racial, de sexe et d'une période donnés. Le modèle prend en compte les caractéristiques personnelles invariantes des travailleurs, l'avantage salarial spécifique à l'entreprise pour un groupe de race et de sexe donné et les caractéristiques variables (par exemple, les effets fixes du temps et de l'expérience). Pour établir le modèle bidirectionnel à effets fixes, l’échantillon utilisé ne considère que les observations dans les entreprises où sont présents des travailleurs des deux groupes.

Pour corriger l’éventuel biais dû aux de réseau entre travailleurs blancs et non blancs, les auteurs estiment séparément l’effet fixe des travailleurs en considérant les effets des entreprises sur cette variable en utilisant les méthodes MCO et variable instrumentale (IV). Pour IV, l’effet de l’entreprise considérant le même sexe et le groupe racial opposé a été utilisé comme instrument.

L'étude présente également une série d'analyses décomposant le modèle bidirectionnel à effets fixes pour identifier des sources et des effets spécifiques. Les approches de décomposition cherchent à identifier les impacts des effets de chaque individu et entreprise sur l’inégalité salariale, en comparant les résultats du modèle de base au modèle mincerien habituel de détermination des salaires et en vérifiant les effets possibles de l’appariement sélectif. Les effets de l'adéquation des compétences ont également été vérifiés à l'aide de la même approche contrefactuelle décrite précédemment et l'ampleur de ces effets a été vérifiée pour différentes quantités dans la répartition des effets personnels des travailleurs.

Enfin, l'étude présente également une série d'analyses de robustesse vérifiant l'adéquation des modèles, modifiant leurs spécifications et vérifiant les effets trouvés en considérant le sous-échantillon de la région du nord-est du Brésil.

  1. Principaux résultats

Les résultats de l'analyse principale ont indiqué que la différence dans les primes salariales versées au sein des mêmes entreprises expliquait environ 20 % de la variation des salaires horaires pour les quatre groupes de race et de sexe. En d’autres termes, le revenu associé aux primes moyennes des entreprises expliquées est plus élevé que celui des non-blancs, tant pour les hommes que pour les femmes. Par ailleurs, il a été identifié que 5 à 6 % de l’écart salarial racial s’explique par des effets spécifiques à l’entreprise, c’est-à-dire par les différences salariales pratiquées au sein d’une même entreprise.

Lors de l’évaluation des raisons de la répartition des groupes de travailleurs entre les entreprises, il a également été mis en évidence un fort impact de l’adéquation sélective des compétences pour les travailleurs de tous les groupes. Les entreprises qui versent des salaires 10 % plus élevés ont des travailleurs qui gagnent 5 à 8 % de plus sur un lieu de travail donné, ce qui explique environ 18 % de l'inégalité salariale entre les blancs et les non-blancs.

Les résultats des estimations considérant les répartitions des compétences des travailleurs indiquent qu'environ deux tiers de l'effet de la répartition des groupes entre entreprises s'expliquent par l'appariement sélectif par compétences (12 % de l'inégalité totale). L'autre tiers (6 à 8 %) représente la part résiduelle non expliquée par les compétences, intégrant des politiques d'embauche et de rétention discriminatoires. De plus, les travailleurs non blancs ayant de plus grandes compétences présentaient une plus grande pénalité pour la part non expliquée par les compétences.

  1. Leçons de politique publique

Dans cet article, les auteurs vérifient comment les politiques salariales et d'embauche des entreprises influencent les inégalités salariales entre blancs et non-blancs au Brésil. À cette fin, les auteurs ont vérifié comment les travailleurs de différents groupes raciaux et sexes sont répartis entre les entreprises avec différents niveaux de primes salariales et si les entreprises établissent leurs critères de sélection et de rémunération en adoptant des critères neutres (éducation, expérience et compétences personnelles).

Les résultats de cet article indiquent que l’essentiel de la différence salariale entre blancs et non-blancs au Brésil s’explique par le niveau d’éducation et les compétences personnelles des travailleurs. Cependant, un tiers de la répartition des travailleurs non blancs entre les entreprises ne s’explique pas par ces facteurs. De plus, il a été identifié que l’effet non expliqué par des facteurs observables est plus important pour les travailleurs non blancs ayant des qualifications plus élevées. Ces données mettent en évidence qu’une part importante des inégalités salariales au Brésil peut être associée à des pratiques discriminatoires de la part des entreprises, renforçant ainsi la nécessité de politiques visant à réduire les inégalités raciales dans le pays.

Références

AU-DESSUS, JM ; KRAMARZ, F. ; MARGOLIS, DN Travailleurs à hauts salaires et entreprises à hauts salaires. Économétrique , v. 67, non. 2, p. 251-333, mar. 1999.

ÅSLUND, O. ; HENSVIK, L. ; SKANS, ON À la recherche de similitudes : comment les immigrants et les autochtones se débrouillent sur le marché du travail. Journal de l'économie du travail , vol. 32, non. 3, p. 405-441, juil. 2014.

GÉRARD, F. ; LAGOS, L. ; SEVERNINI, E. ; CARD, D. Jumelage assorti ou embauche d'exclusion ? L'impact des politiques d'emploi et de rémunération sur les différences salariales raciales au Brésil. Revue économique américaine , vol. 111, non. 10, p. 3418-3457, 1er octobre. 2021.

GIULIANO, L. ; LEVINE, DI; LEONARD, J. Course des Managers et Course des Embauches. Journal de l'économie du travail , vol. 27, non. 4, p. 589-631, octobre. 2009.